Napoli effet mer Imprimer
le théâtre Gyptis (Marseille) a accueilli le mardi 12 avril 2011 l'exposition "Napoli, effet mer".

les artistes
peinture Ciro di Matteo - Sandra Spadafora - Timothée Talard

photo Carole Ecuer - Paolo Pelli
video Rita Chiliberti - Angelo Casteltrione - Giusy Iescone

la scénographie Ciro di Matteo

Naples
en italien Napoli
en napolitain Napule

Le nom de Naples (Neapolis ou la ville neuve) avait donc été choisi par opposition au nom de ce centre plus ancien rebaptisé par la suite Paleopolis (la ville ancienne).

Parthénope, sirène désespérée de ne pouvoir attirer son amant, donna son nom à la ville en se jetant dans l’immense nappe d’azur du golfe.

 

 

 

textes illustrés avec des photos de Pino Settanni


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Rarement une ville et un peuple ont fait preuve d’autant de fidélité dans leurs goûts artistiques, d’acharnement à défendre un idéal. Mais le chant, sous tous ses aspects, n’a-t-il pas permis au petit peuple napolitain de faire un « pied de nez » au monde qui l’entourait, pour l’aider à vivre au jour le jour, selon les mots de Dominique Fernandez, « les vertus de la pauvreté, de l’oisiveté, de l’ignorance du lendemain » ?
Patrick Barbier

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A la vue d’un tel désordre, d’une telle variété confuse de couleurs, de sons et de visages, je fus pris d’un étourdissement. Je fus surtout frappé par les visages de ces gens. Jamais auparavant je n’avais vu dans un espace relativement réduit un tel éventail de profils, renvoyant tous à des âges, à des conditions sociales et à des états d’âme aussi différents. Visages modernes et antiques, visages de pauvres et de riches, visages respirant la santé ou marqués par la maladie. Dans aucune autre ville italienne, on ne voit dans les rues une telle foule d’éclopés, d’aveugles et de bossus, un peu comme si l’on n’avait pas honte ici de montrer ses difformités.
Giovanni Bechelloni

Elles ne sortent pas de la mer et n’aiment pas les sirènes.
La mer, elles la regardent, assises sur un banc de pierre, drapées dans le deuil.
La mer est un lit pour l’attente.

Tahar Ben Jelloul

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Les habitants des régions volcaniques sont pleins de feu, à l’instar de leurs vins ; et moi, je suis Napolitaine.
Enrichetta Caracciolo

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Le lazzarone est le fils aîné de la nature : c’est à lui le soleil qui brille ; c’est à lui la mer qui murmure ; c’est à lui l a création qui sourit. Les autres hommes ont une maison, les autres hommes ont une villa, les autres hommes ont un palais ; le lazzarone, lui, a le monde.
Alexandre Dumas

On ne cesse de répéter des lieux communs péjoratifs sur Naples : le vol, la violence, la corruption. Faudra-t-il toujours ignorer l’autre face de la ville ? Je voudrais bien savoir quelle propriétaire de boutique, en France, se passionne pour les monuments de son quartier et se charge de récolter l’argent pour leur rendre leur éclat.
Dominique Fernandez
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Tout le monde, à Naples, prince ou lazzarone, est naturellement spontanément baroque. Mais quiconque réfléchit doit admettre que la vitalité, la gaieté, la drôlerie, la folie inventive qui distinguent entre toutes cette ville se payent d’un lourd prix d’ignorance, d’insalubrité, de misère.
Dominique Fernandez

Une des singularités de Naples, c’est de se trouver à la charnière de deux mondes, un monde où l’on est trop pauvre et trop malheureux pour oser se regarder en face, et un monde où l’on est trop épris de lumière pour ne pas le désirer.
Dominique Fernandez

C’était elle, ma mer, la mer Méditerranée habitée par les dieux, le berceau de tous les mythes déposés dans mon inconscient et des civilisations dans lesquelles je me reconnais.
Raffaele La Capria
Ce fut comme passer d’une pénombre d’après-midi, à laquelle la vue s’est déjà accoutumée, à la fulgurance du jour. Ce fut comme, lorsque transperçant soudain la couche des nuages, le soleil inonde la terre et que toutes les choses se définissent dans la lumière exacte. Ou comme lorsqu’on ouvre tout grand la fenêtre et qu’on s’exclame : « quelle belle journée ! ».
Raffaele La Capria


Entre aube et aurore, rougie par le soleil qui pointe, elle devient une mer boréale, aussi froide et indifférente q
ue si elle appartenait à un autre, aux cartes maritimes de l’Arctique. Plus tard, enceinte de soleil, elle se fait convexe et infranchissable.
C’est comme si les navires devaient escalader une montagne. Mais la plupart du temps, elle se dissout en flocons d’écume enfantins et légers sur lesquels les petites barques peuvent naviguer tranquillement.
C’et ça, la mer de Naples, une petite mer, capable de se soulever comme les Alpes ou s’abaisser comme un pré.

Domenico Rea

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Dire « Naples » ne signifie donc absolument rien. Il faut toujours parler de « plusieurs » Naples ; d’où le concept de métropole, d’extraordinaire diversité dans l’unité : une unité unique.
Domenico Rea

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On reste à Naples parce que, au sein de la collectivisation universelle, les Napolitains conservent un comportement particulier, parce qu’ils ne rejettent pas leur prochain. Ils l’acceptent, tolèrent ses défauts et les comprennent. Et c’est pour cette raison que la nuit napolitaine est la plus éclatante au monde.
Domenico Rea

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Naples est fascinante comme le sont peu de villes – ou aucune autre ville – au monde, parce que dans chacun de ses morceaux, fragments, échantillons, on peut contempler le présent, le passé et le futur.
Domenico Rea


Je comprends maintenant pourquoi Giacomo Leopardi dicta les six derniers vers du divin (et jamais adjectif ne fut plus justifié) Tramonto della luna dans un jardin du Golfe, après avoir aimé et haï Naples.
Domenico Rea

A Mergellina, ce qui fonctionne par-dessus tout, c’est l’impossibilité d’être mélancolique. Je comprends pourquoi Richard Wagner, homme très tourmenté, qui vécut longtemps à Naples, s’y rendait tous les jours à pied, pour l’admirer ; et je comprends encore mieux pourquoi le jeune Rossini, hôte du palais Barbaja – le plus grand édifice près de Mergellina – ne parvenait pas à se concentrer sur sa musique. LE musicien voulait sortir, il voulait vivre, se mêler aux gens ; il voulait chanter. Et en effet, Mergellina est un lieu qui, quel que soit l’état d’âme avec lequel on l’approche, même le plus sombre, vous pousse à espérer. Il vous pousse même à vouloir embrasser le monde.
Domenico Rea


La mer
Celle de Naples n’est pas une mer vaste. On la saisit d’un seul regard.
Mais c’est une mer qui, comme ses habitants, a des sautes d’humeur. Elle peut passer de la taille d’une piscine à celle d’un océan, du balancement d’un berceau au clair de lune à la tempête la plus hurlante, se creusant tel un abîme et interdisant aux navires de dépasser les Bocche di Capri.

Domenico Rea

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Naples roulait devant le sépulcre des peuples le miroir dérisoire du monde.
Jean-Noël Schifano

Une Napolitaine qui n’est pas follement amoureuse est une Napolitaine qui s’ennuie. Seule la force jaillissante de l’éphémère la peut retenir quelques temps : alors, son appétit de jouissance démonté par les éléments mêmes qui l’apaisent, elle cloue l’homme à ses entrailles, elle l’absorbe dans le triangle percuté de sa sombre et exclusive passion. Elle est à prendre ou à laisser : malheur à celui qui la laisse. Malheur souvent aussi à celui qui la prend. Car la femelle de Naples va jusqu’à démâter le navire pour entraîner Ulysse dans ses flots.
Jean-Noël Schifano



 

Avant qu’il ne soit trop tard, léger touriste venu du Nord, file dans ton gîte, ferme ta porte, tes fenêtres, tes volets, allonge-toi nu sur un drap – notre linceul poméridien, d’où l’on ne ressuscite qu’à la tombée du soleil. Ces heures étouffées où la terre et les cieux flambent ne sont pas pour toi, frôleur de cités rêvées ; ce sont les heures des grandes passions inassouvies, les heures de l’amour incertain et de la mort évidente, les heures où la mer noircit, les heures figées que ne connaît aucune autre ville du monde, et qu’à Naples on appelle « les heures contraires ».
Jean-Noël Schifano

 

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Naples, par une extravagance farouche du peuple, demeurait, dans toute la chrétienté, la seule ville où les tribunaux de l’Inquisition n’avaient pas droit de cité.
Jean-Noël Schifano

… et leurs regards, qui vivaient du bonheur de se croiser plusieurs fois par jour …
Jean-Noël Schifano

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Êtres et choses, grands et gueux, étrangers et indigènes, dans la nasse noire de Naples,tout coule vers l’infini.
Jean-Noël Schifano

 

On ne dit pas, à Naples, de quelqu’un qu’il « devient fou » : on dit qu’il est « parti en imagination ».
Jean-Noël Schifano


Alors, il dit : « Que d’étoiles ! Que d’étoiles ! ». Et il vit l’aube rouer comme un paon au-dessus du Vésuve.
Jean-Noël Schifano


Naples, comme cette baie, est tour à tour séduisante et douce, repoussante et insupportable, belle ou hideuse : mais qui l’a goûtée une fois voudra y mordre encore.
Colette Vallat

De ses yeux éternels, la Déesse illumine,
Comme autrefois, la terre et l’infini des flots.
La mer salue encore de chants et de sanglots
Le temple abandonné de la Vénus latine.
Renée Vivien